Le même goût de la douleur et de la joie

ou les leçons de vie d’Ani Patchèn

par Sofia Stril-Rever

Ani Patchèn, née princesse tibétaine, devenue résistante à vingt ans puis emprisonnée vingt ans durant, et aujourd’hui nonne à Dharamsala, est l’auteur du livre ET QUE RIEN NE TE FASSE PEUR, paru aux éditions NIL. Elle est à Paris jusqu’au 25 février où nous l’avons rencontrée.

Tous les soirs, au théâtre du Soleil, avec Matthieu Ricard et les moines danseurs de Shechen, lors de rencontres organisées avec les défenseurs de la cause tibétaine, elle témoigne de son engagement. Elle parle avec fermeté mais toujours avec une grande douceur et elle sait s’adapter à son public, selon ses centres d’intérêt ou selon son âge, comme devant les étudiants de Science Po qui l’ont ovationnée. Ses propos sont beaucoup plus qu’un témoignage et ils ont souvent la valeur d’un enseignement authentique. Lorsqu’on lui demande par exemple quel est son secret, comment elle a pu garder en elle paix et sérénité après vingt ans d’emprisonnement, de tortures et de mauvais traitements elle répond :

Ani Patchèn  : Si j’ai la paix en moi, je le dois à la bonté et à la bienveillance de Guru Rinpoche, de Sa Sainteté le Dalaï-Lama et de mon maître-racine, Guialtse Rinpoche. En prison, j’ai pu voir la vérité de leurs enseignements. Et je les ai pratiqués. J’ai appris à ne pas être exaltée par le bonheur, ni déprimée par les difficultés. J’ai appris à trouver un même goût à la douleur et à la joie, à la souffrance et au bonheur. C’est en développant ma compréhension de la vacuité de toute chose que j’ai trouvé ce goût unique aux situations de l’existence. Et si j’ai pu mieux comprendre la vacuité, c’est le résultat de la bienveillance et des enseignements de mes maîtres. Grâce à eux, je peux conserver une sérénité devant la fortune et l’infortune de ce qui arrive.

Et à propos de son engagement pour la cause du Tibet, elle confie :

Ani Patchèn  : Il me reste peu de temps, quelques années seulement à vivre. Je ne souhaite ni la renommée, ni des avantages matériels. Je cherche modestement à contribuer à faire connaître la cause du Tibet, la cause de mon peuple et aussi le bouddhisme, parce que le bouddhisme est bon pour tous les êtres.

J’ai participé à la marche transalpine, de Nice à Genève, alors que ma santé n’est pas bonne. C’était pour moi une épreuve physique, mais j’ai voulu être là afin d’attirer l’attention sur notre cause. Au retour, mon cœur était malade, mais j’étais heureuse d’avoir témoigné. C’est ainsi que j’exprime ma dévotion à Sa Sainteté le Dalaï-Lama et ma gratitude aux Trois Joyaux. Car j’ai beaucoup de chance. Contrairement à d’autres Tibétains qui ont subi les mêmes violences que moi et en sont morts, je suis en vie. Je peux poursuivre ma pratique spirituelle et témoigner pour le Tibet.

Je n’ai aucune qualité particulière pour mener ce combat mais je suis déterminée à apporter ma contribution jusqu’à ce que mon corps tombe par terre. Je n’ai même pas une tasse de thé à vous offrir, mais je vous demande de poursuivre votre action pour que le Tibet ne meure pas.

Un article présentant le livre : Le bouddhisme à l’épreuve de la vie

ET QUE RIEN NE TE FASSE PEUR …

Le combat d’une princesse tibétaine

Préface de Sa Sainteté le Dalaï-Lama

Avant-Propos de Richard Gere

Livre écrit par Ani Patchèn & Adelaide Donnelley

traduit de l’anglais par Carisse Busquet

éditions NIL, Paris février 2001, 324 pages, 139 F

Février 2001




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