Pourquoi méditer ?

par Espace Matthieu Ricard , Matthieu Ricard

Se transformer soi-même pour mieux transformer le monde

C’est aussi en développant nos qualités intérieures que nous pouvons le mieux aider les autres. Notre expérience personnelle, bien qu’elle soit au départ notre seule référence, doit par la suite nous permettre d’adopter un point de vue plus vaste qui prenne en compte tous les êtres. Nous dépendons tous les uns des autres et personne ne désire souffrir. Être « heureux » au milieu de l’infinité des autres qui souffrent serait absurde, si tant est que ce soit réalisable. La quête du bonheur uniquement pour soi-même est vouée à un échec certain, puisque l’égocentrisme est à la source même de notre mal-être. « Quand le bonheur égoïsme est le seul but de la vie, la vie est bientôt sans but ! » écrivait Romain Rolland. Même en affichant toutes les apparences du bonheur, on ne peut être véritablement heureux en se désintéressant du bien d’autrui. En revanche, l’amour altruiste et la compassion sont les fondements du bonheur authentique.

Ces propos ne découlent pas d’une intention moralisante, ils reflètent simplement la réalité. Rechercher le bonheur uniquement pour soi est la meilleure façon de ne rendre heureux no soi-même ni autrui. On pourrait croire qu’il est possible de s’isoler des autres pour assurer plus facilement son bien-être (à chacun d’en faire autant de son côté et tout le monde sera heureux !) mais le résultat ainsi obtenu sera l’opposé de ce que l’on désirait. Tiraillés entre espoir et crainte, on rendra sa vie misérable et l’on ruinera également celle de tous ceux qui nous entourent. Au bout du compte, tout le monde sera perdant.

L’une des raisons fondamentales de cet échec est que le monde n’est pas constitué d’entités autonomes dotées de propriétés intrinsèques qui les rendraient par nature belles ou laides, amies ou ennemies : les choses et les êtres sont essentiellement interdépendants et en perpétuelle évolution. De plus, les éléments même qui les constituent n’existent, eux aussi, qu’en relation les uns avec les autres. L’égocentrisme se heurte sans cesse à cette réalité et n’engendre que frustrations.

L’amour altruiste, ce sentiment qui, selon le bouddhisme, consiste à souhaiter que les autres soient heureux, de même que la compassion – définie comme le désir de remédier à la souffrance d’autrui et à ses causes – ne sont pas simplement de nobles sentiments : ils sont fondamentalement en harmonie avec la réalité des choses. L’infinité des êtres veut éviter de souffrir, tout autant que nous-mêmes. Par ailleurs comme nous sommes tous interdépendants, nos bonheurs et nos malheurs sont intimement liés à ceux des autres. Cultiver l’amour et la compassion est un pari doublement gagnant : l’expérience montre que ce sont les sentiments qui nous font le plus de bien, et que les comportements qu’ils engendrent sont perçus par autrui comme bienfaisants.

Lorsque l’on est sincèrement concerné par le bien-être et la souffrance des autres, il devient nécessaire de penser et d’agir de façon juste et éclairée. Pour que les actes accomplis dans le but d’aider autrui aient véritablement des conséquences bénéfiques, ils doivent être guidés par la sagesse, une sagesse qui s’acquiert par la méditation. La raison d’être ultime de la méditation est de se transformer soi-même pour mieux transformer le monde, ou de devenir un être humain meilleur pour mieux servir les autres. Elle permet de donner à la vie son sens le plus noble.

1.7 Un effet global

Si le but premier de la méditation est de transformer notre expérience du monde, il s’avère également que l’expérience méditative a des effets bénéfiques sur la santé. Depuis une dizaine d’années, de grandes universités américaines comme l’Université de Madison au Wisconsin, celles de Princeton, d’Harvard et de Berkeley, de même que des centres à Zurich et à Maastricht en Europe, mènent des recherchent intensives sur la méditation et son action à court et à long terme sur le cerveau. Des méditants expérimentés, qui totalisent entre 10 000 heures et 60 000 heures de méditation, ont démontré qu’ils avaient acquis des capacités d’attention pure que l’on ne retrouve pas chez les débutants. Ils sont capables, par exemple, de maintenir une vigilance quasi parfaite pendant 45 minutes sur une tâche particulière, alors que la plupart des gens ne dépassent pas cinq ou dix minutes, au terme desquelles ils multiplient les erreurs. Les méditants expérimentés ont la faculté d’engendrer des états mentaux précis, ciblés, puissants et durables. Des expériences ont montré notamment que la zone du cerveau, associée à des émotions comme la compassion par exemple, présentait une activité considérablement plus grande chez les personnes qui avaient une longue expérience méditative. Ces découvertes indiquent que les qualités humaines peuvent être délibérément cultivées par un entraînement mental.

Il n’entre pas dans le cadre de ce texte de les détailler, mais signalons qu’un nombre croissant d’études scientifiques indiquent également que la pratique de la méditation à court terme diminue considérablement le stress (dont les effets néfastes sur la santé sont bien établis), l’anxiété, la tendance à la colère (laquelle diminue les chances de survie après une chirurgie cardiaque) et les risques de rechute chez les personnes qui ont préalablement vécu au moins deux épisodes de dépression grave. Huit semaines de méditation (de type MBSR), à raison de trente minutes par jour, s’accompagnent d’un renforcement notable du système immunitaire, des émotions positives, et des facultés d’attention, ainsi qu’une diminution de la tension artérielle chez les sujets hypertendus, et d’une accélération de la guérison du psoriasis. L’étude de l’influence des états mentaux sur la santé, autrefois considérée comme fantaisiste, est donc de plus en plus à l’ordre du jour de la recherche scientifique.

Sans vouloir faire de sensationnalisme, il importe de souligner à quel point la méditation et l’« entraînement de l’esprit » peuvent changer une vie. Nous avons tendance à sous-estimer le pouvoir de transformation de notre esprit et les répercussions que cette « révolution intérieure », douce et profonde, entraînent sur la qualité de notre vécu.

Une vie bien remplie n’est pas faite d’une succession ininterrompue de sensations plaisantes, mais d’une transformation de la manière dont nous comprenons et traversons les aléas de l’existence. L’entraînement de l’esprit permet non seulement de remédier aux toxines mentales, comme la haine et l’obsession, qui empoisonnent littéralement notre existence, mais aussi d’acquérir une meilleure connaissance de la façon dont l’esprit fonctionne et une perception plus juste qui nous permet de faire face aux hauts et aux bas de la vie, mais aussi en sachant tirer d’eux un enseignement profond.

Source :
Espace Facebook de Stéphane Larouche
https://www.facebook.com/StephaneLarouche99



Le site de Matthieu Ricard
Ses photos, publications, blog ...
http://www.matthieuricard.org

Dilgo Khyentsé Fellowship
La fondation Dilgo Khyentsé Fellowship est dédiée à la poursuite et au développement des activités de Dilgo Khyentsé Rinpoché.
http://www.shechen.org/

KARUNA
L’Association KARUNA a été créée, en France pour accompagner les programmes humanitaires de Matthieu Ricard
http://www.karuna-shechen.org