Etre disciple, rencontre avec Matthieu Ricard

Matthieu Ricard nous livre ses réflexions sur la relation maître disciple qui est au coeur de sa vie, comme de la transmission des enseignements dans le bouddhisme.

par Matthieu Ricard

Que nous reste-t-il encore à apprendre lorsque nous avons tout appris ?

Comment transformer notre esprit ?

« Le lait des qualités spirituelles ne naît pas au sommet du rocher de l’orgueil. » (proverbe tibétain)

Notre maître, constamment, irréversiblement présent à notre esprit.

« Toute ma vie, j’ai médité de toutes les forces de mon esprit sur l’amour et la compassion. » (Sa Sainteté le Dalaï-Lama)

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Que nous reste-t-il encore à apprendre, lorsque nous avons tout appris ?

Qu’est-ce que la relation maître-disciple peut nous apporter que nous n’ayons déjà reçu de nos parents, nos instituteurs, puis nos professeurs de collège, de lycée et enfin d’université ? Autrement dit, que nous reste-t-il encore à apprendre, lorsque nous avons tout appris ? Certains d’entre nous ont acquis un niveau de spécialisation extrêmement sophistiqué dans une discipline particulière. Pourtant, même dans ce cas, la question du sens de la vie reste entière. Elle a été posée brièvement dans les cours de philosophie, en classe terminale, bien tardivement, lorsque nous avons examiné, avec nos professeurs, les différentes théories occidentales sur la finalité de l’existence. Mais on ne nous a pas enseigné pour autant à devenir un meilleur être humain, capable de vivre une expérience authentique de plénitude et de joie intérieure. Nos connaissances acquises ressemblent souvent à un rempart, une digue élevée pour nous protéger, mais de quoi au juste ?

Comment transformer notre esprit ?

Proches des certitudes intellectuelles, les incertitudes existentielles nous incitent à poser les vraies questions. Et le mot-clef de Matthieu Ricard, est celui de « transformation ». Il ne s’agit pas tant en effet de nourrir notre esprit de connaissances nouvelles, que de le transformer. Quand nous avons tout appris, il nous faut encore apprendre à « être ». C’est sur ce plan que la relation maître-disciple prend son sens.

Dans la tradition bouddhiste, le maître est l’exemple vivant de celui qui a accompli la transformation de son esprit. Au terme de cette transformation, il est devenu l’incarnation de la perfection humaine qui est en soi un enseignement, couvrant tous les aspects de l’existence.

image 142 x 128Dans l’évocation de ses 15 années auprès de Dilgo Khyentsé Rinpoche, Matthieu Ricard se souvient qu’il n’a jamais vu ce maître spirituel agir, parler ou penser de façon à nuire à autrui, bien au contraire. Chacun des actes de sa vie, chacune de ses pensées étaient entièrement consacrés au bien de tous les êtres.

« L’eau des qualités spirituelles ne demeure pas au sommet du rocher de l’orgueil. »

Dans la relation authentique de maître à disciple, le maître n’attend rien en retour de ce qu’il prodigue au disciple. Il ne s’agit pas d’un lien de domination, dont la vie courante nous donne constamment l’exemple. La personne qui nous fait une faveur attend en général au moins autant qu’elle nous a donné, les uns utilisent les autres dans des stratégies de pouvoir inspirées par l’orgueil, la jalousie ou la haine. Mais l’accueil du disciple par le maître est un geste spontané, comparable à l’aide que nous apporterions tout naturellement à quelqu’un que nous voyons égaré, cherchant un chemin que nous connaissons bien. Le maître a lui-même parcouru la voie spirituelle sur laquelle nous nous engageons. La relation avec lui est un partage d’expérience qui doit nous conduire à éradiquer en nous les émotions négatives, colère, désir, haine. Or le maître connaît précisément toutes les méthodes spirituelles et sait discerner celle qui s’appliquera plus particulièrement à notre cas.

La voie spirituelle est un chemin diligent, constant, qui se poursuit vie après vie. C’est une transformation au fil des jours. On ne brûle pas les étapes, sur ce chemin-là. Ce que nous risquons de prendre pour des expériences mystiques soudaines sont en fait de véritables « pièges du démon ». Nous considérons comme des étincelles d’Eveil ces fulgurations mentales, ces feux d’artifice qui ne sont en fait que des effets de l’excitation de l’esprit mal préparé et mal avisé. Ce type d’expérience nourrit notre ego et son orgueil effréné, alors que, selon un proverbe tibétain, « l’eau des qualités spirituelles ne demeure pas au sommet du rocher de l’orgueil ».

Notre maître, constamment, irréversiblement présent à notre esprit

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En Occident, certains s’étonnent qu’on se prosterne devant un maître spirituel. Pourtant lorsqu’on a été le témoin de la rencontre entre deux maîtres spirituels, on est ému de les voir rivaliser d’humilité l’un envers l’autre. Cette humilité est un enseignement direct. On dit, chez les Tibétains, que « celui qui a le plus de qualités est comme un arbre chargé de fruits dont les branches s’inclinent près du sol. » L’humilité des maîtres est à l’antipode de nos prétentions, de nos présomptions d’être si avancés sur la voie que nous ne savons même plus recueillir et mettre en pratique l’essence des enseignements.

Lorsque nous nous prosternons devant notre maître, nous effectuons un geste d’amour pour notre maître, constamment présent, irréversiblement présent en notre esprit. Nous lui exprimons une reconnaissance infinie pour tout l’amour qu’il nous a prodigué.

Sa Sainteté le Dalaï-Lama : « Toute ma vie, j’ai médité de toutes les forces de mon esprit sur l’amour et la compassion »

Matthieu Ricard évoque alors tous les visiteurs qu’il a vu fondre en larmes au cours d’une audience auprès de Sa Sainteté le Dalaï-Lama : « On les voit arriver plutôt fiers et contents d’eux-mêmes, parce qu’ils ont obtenu cette audience. Ils repartent défaits, les yeux rouges, parce qu’ils ont senti dans le Dalaï-Lama une présence qui révèle le meilleur de l’être humain. »

Comme on demandait à Sa Sainteté le Dalaï-Lama pourquoi il provoquait cette réaction chez autrui, il répondit que la raison en était peut-être que toute sa vie, il avait médité de toutes les forces de son esprit sur l’amour et la compassion.

C’est la force de cet amour qui toucha les 15.000 jeunes rassemblés pour le concert de rock, donné par Amnesty International à l’occasion de la célébration du cinquantenaire de la Déclaration universelle des Droits de l’homme.

Le présentateur avait annoncé « la surprise de la soirée, Sa Sainteté le Quatorzième Dalaï-Lama ». Un vrai silence tomba soudain sur l’assistance survoltée par les rythmes du rock lorsque le Dalaï-Lama prit la parole. Quand il eut terminé de parler, une ovation immense monta de la salle. Ces 15.000 jeunes étaient sans doute ignorants du bouddhisme pour la plupart, mais leur cœur avait été touché par le cœur immense de Sa Sainteté.

Compte rendu Sofia STRIL-REVER

Le CD « ÊTRE DISCIPLE » est édité par l’association Budhica et réalisé par BuddhaLine.Les bénéfices seront reversés au monastère de Shechen (Katmandou, Népal) et au monastère de Kirti (Dharamsala, Inde).

Octobre 2000



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